Un pique-nique dans un million d'années

dimanche 26 juillet, 2015 | Auteur : J.M.



« Juste à ce moment, un oiseau s'envola. Comme une pierre lancée dans un étang d'azur, touchant la surface, s'enfonçant et disparaissant.
Papa eut une expression apeurée en le voyant. «J'ai cru que c'était une fusée. »
Timothy leva les yeux vers l'océan profond du ciel, essayant d'apercevoir la Terre, la guerre, les villes en ruine, les hommes qui s’entre-tuaient depuis sa naissance. Mais il ne vit rien. La guerre était aussi lointaine et invisible que deux mouches se battant à mort sur la voûte d'une vaste cathédrale silencieuse. Et aussi absurde. William Thomas s'essuya le front et sentit la main de son fils sur son bras, pareille à une jeune tarentule, électrisée. Il lui décocha un grand sourire. « Comment ça va, Timmy ?
— Très bien, p'pa. »

Octobre 2057, Pique-nique dans un million d'années,
Ray Bradbury, in Chroniques Martiennes, 1949


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Les longues années

lundi 06 avril, 2015 | Auteur : J.M.



« La nuit, quand le vent s'abat sur les fonds marins asséchés et souffle dans le cimetière hexagonal sur quatre croix anciennes et une nouvelle, une lampe brûle dans la petite cahute en pierre, et à l'intérieur, tandis que mugit le vent, que tourbillonne la poussière et que flambent les étoiles glaciales, quatre silhouettes, une femme, deux filles et un fils entretiennent sans raison un petit feu de bois tout en bavardant et en riant.

Nuit après nuit, tout au long des années, sans aucune raison, la femme sort et, les mains levées, regarde le ciel un long moment ; elle regarde le flamboiement vert de la Terre, sans savoir pourquoi, puis elle rentre et jette une brindille sur le feu, tandis que le vent se lève et que la mer morte reste plongée dans la mort.»

Ray Bradbury, AVRIL 2057, Les longues années,
in Chroniques Martiennes, 1949


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Toujours les heures...

vendredi 26 décembre, 2014 | Auteur : J.M.



« Léonard, regarder la vie en face. Toujours regarder la vie en face, et pour la connaître pour ce qu’elle est. Enfin, savoir ce que c’est et l’aimer pour cela. Et puis s'en défaire, la mettre de côté. Léonard, toujours ces années entre nous, toujours les années, toujours l’amour, toujours les heures... »

Virginia Woolf


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Surnager...

jeudi 27 novembre, 2014 | Auteur : J.M.



« J'ai plongé dans mon grand lac de mélancolie, mon Dieu qu'il est profond !, une mélancolique de naissance, voilà ce que je suis ! Je n'arrive à surnager que grâce au travail... Je ne sais pas d'où cela vient. Dès que je m'arrête de travailler, il me semble que je m'enfonce, que je m'enfonce. Et comme toujours, je suis persuadée que si je plonge plus avant, j'atteindrai la vérité. »

Virginia Woolf


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La servitude volontaire

vendredi 31 octobre, 2014 | Auteur : J.M.



« Il y a trois sortes de tyrans.

Les uns ont le royaume par élection du peuple, les autres par la force des armes, les autres par succession de leur race. Ceux qui les ont acquis par le droit de la guerre, ils s’y portent ainsi qu’on connaît bien qu’ils sont (comme l’on dit) en terre de conquête. Ceux-là qui naissent rois ne sont pas communément guère meilleurs, ainsi étant nés et nourris dans le sein de la tyrannie, tirent avec le lait la nature du tyran, et font état des peuples qui sont sous eux comme de leurs serfs héréditaires ; et, selon la complexion de laquelle ils sont plus enclins, avares ou prodigues, tels qu’ils sont, ils font du royaume comme de leur héritage. Celui à qui le peuple a donné l’état devrait être, ce me semble, plus insupportable, et le serait, comme je crois, n’était que dès lors qu’il se voit élevé par-dessus les autres, flatté par je ne sais quoi qu’on appelle la grandeur, il délibère de n’en bouger point ; communément celui-là fait état de rendre à ses enfants la puissance que le peuple lui a laissée : et dès lors que ceux-là ont pris cette opinion, c’est chose étrange de combien ils passent en toutes sortes de vices et même en la cruauté, les autres tyrans, ne voyant autres moyens pour assurer la nouvelle tyrannie que d’étreindre si fort la servitude et étranger tant leurs sujets de la liberté, qu’encore que la mémoire en soit fraîche, ils la leur puissent faire perdre. Ainsi, pour en dire la vérité, je vois bien qu’il y a entre eux quelque différence, mais de choix, je n’y en vois point ; et étant les moyens de venir aux règnes divers, toujours la façon de régner est quasi semblable : les élus, comme s’ils avaient pris des taureaux à dompter, ainsi les traitent-ils ; les conquérants en font comme de leur proie ; les successeurs pensent d’en faire ainsi que de leurs naturels esclaves. »

Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire, vers 1548


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